Restez-vous motivés dans votre travail si vous n’êtes pas payé ? Il y a fort à parier que la plupart des personnes répondraient à cette question par la négative. Le travail sert en fin de compte à accumuler du capital, lequel permet de financer le confort de l’existence – loisirs, famille, consommation. La question se révèle toutefois bien plus complexe si nous différencions le secteur et le type de travail : restez-vous motivés dans votre travail de promotion de la paix si vous n’êtes pas payé ? On peut parfaitement argumenter que le travail de construction de la paix a une valeur, même sans incitation financière. La paix favorise le vivre-ensemble. Elle permet à nos enfants de vivre dans l’insouciance. Enfin et surtout, elle est garante de notre survie. Mais nous devons aussi trouver les moyens de satisfaire nos besoins primaires.

Quel a été l’impact de la professionnalisation sur notre travail de promotion de la paix ? Notre hypothèse est la suivante : dès que nous exécutons un travail en vue d’en retirer un avantage financier (motivation extrinsèque), celui-ci se substitue à la motivation intrinsèque, à savoir le travail pour lui-même (et son résultat).

La psychologie et la recherche comportementale s’intéressent depuis longtemps à ce phénomène. Judy Cameron et W. David Pierce, après avoir analysé 96 études, sont parvenus à la conclusion que la motivation intrinsèque n’est pas amoindrie par la récompense financière. Elle ne diminue que lorsque la récompense attendue pour des travaux simples est finalement supprimée. Mark Lepper et David Greene ont observé que ce mécanisme était déjà présent chez les enfants. Quels enseignements pouvons-nous en tirer pour notre champ de travail, la promotion de la paix ? L’absence d’études scientifiques à ce sujet n’autorise que des suppositions, mais le signe distinctif du secteur de la promotion de la paix est vraisemblablement la forte motivation intrinsèque des personnes qui y travaillent. Nous ne servons pas Mammon. Faire carrière et consommer sont des préoccupations secondaires. Nous nous accommodons bon gré mal gré des renoncements que notre choix implique.