Initiative populaire « pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre » en Suisse. Wikimediacommons
Conseil suisse pour la paix (SFR) Ruedi Tobler ruedi.tobler@friedensrat.ch Président

Bien que sensiblement réduite depuis la fin de la guerre froide, notre armée reste aujourd’hui surdimensionnée, selon le Conseil Suisse pour la Paix (SFR). C’est pourquoi, dans le cadre de la consultation sur le rapport de 2021 sur la politique de sécurité, il propose de renverser les priorités. Depuis son adhésion à l’ONU, la politique de sécurité de la Suisse est axée sur le système de la sécurité collective. La participation à la consolidation de la paix internationale devrait être placée au premier rang, les secours en cas de catastrophe au deuxième et la défense nationale au troisième.

Avec une telle hiérarchisation des priorités, le sens et la finalité du service militaire obligatoire doivent être remis en question. Le service militaire obligatoire n’a aucun sens pour les missions de maintien de la paix qui nécessitent une main d’œuvre très qualifiée et très motivée. Toutefois, cela réduirait aussi massivement le nombre total de membres du service nécessaire. Cela rendrait le service militaire obligatoire général obsolète, ce qui aurait également des « effets secondaires » sur les autres domaines du service obligatoire, le service civil et la protection civile.

Sans service militaire obligatoire, le service civil n’a plus de justification juridique. Mais ce dernier ayant amplement prouvé son utilité, il faudrait le conserver sous une forme modifiée. La protection civile est manifestement en proie à une crise structurelle, que les responsables voudraient résoudre au détriment du service civil – du point de vue de la SFR, une approche peu judicieuse. Ce n’est pas le service civil qui doit être rendu moins attrayant, mais l’ensemble du domaine des organisations de protection et de sauvetage qui doit être réformé. Quant à la « catastrophe climatique », elle ne relève pas de la politique de sécurité: elle se doit d’être gérée au niveau civil.

Cette restructuration offrirait également l’opportunité d’un transfert massif de ressources financières de la politique de sécurité vers la consolidation de la paix, la coopération au développement et l’aide humanitaire. Cela permettrait à la Suisse d’atteindre enfin son objectif de financement du développement à hauteur de 0,7% du produit intérieur brut. De plus, elle pourrait fortement augmenter les subsides accordés au CICR tout en assurant une garantie de déficit pour ses frais de personnel. Et elle serait également en mesure d’élever considérablement les aides allouées à la lutte internationale contre la pandémie de Covid-19, contribuant ainsi à assurer une large couverture vaccinale dans tous les pays, y compris les plus pauvres. Ces exemples montrent comment, avec les économies réalisées sur les dépenses militaires, la Suisse pourrait œuvrer efficacement en faveur d’un monde plus pacifique.

La réduction de l’armée affaiblirait également l’argument selon lequel l’exportation de matériel de guerre et de biens dits à double usage à des fins militaires est nécessaire pour permettre une production indépendante de matériel de guerre. Dans le même temps, le secteur financier devrait également s’orienter clairement vers la promotion du développement pacifique dans le monde, en interdisant le financement direct et indirect des armements et de l’industrie de l’armement. Le renoncement fondamental à ces exportations et à leur financement permettrait d’éviter que des conflits soient alimentés depuis la Suisse et que des armes suisses apparaissent dans des zones de guerre.

Conseil suisse pour la paix (SFR) Ruedi Tobler ruedi.tobler@friedensrat.ch Président