PeaceNexus est une fondation privée suisse qui a comme mission le renforcement des organisations contribuant à la paix dans des contextes fragiles. La fondation se distingue par le fait qu’elle finance des processus de changement organisationnel et non des projets ou des activités. La sélection de ses partenaires repose sur trois critères: 1) un impact établi – ou un potentiel avéré – de contribution à la paix, notamment au niveau local, 2) une adéquation avec l’orientation géographique et thématique de PeaceNexus, 3) une volonté de changement. Ce dernier critère est généralement le plus difficile à apprécier, et le plus trompeur.
Les spécialistes du développement organisationnel ont mis au point une «équation du changement» selon laquelle le niveau d’insatisfaction, associé à une vision partagée d’un avenir meilleur et à de premières initiatives pour y parvenir doit être supérieur aux résistances internes au changement. Cependant, évaluer chacun de ces éléments reste une tâche ardue.
L’insatisfaction du personnel est une réalité pour toutes les organisations. Il s’agit dès lors d’établir si cette frustration est liée à l’engagement profond envers la mission de l’organisation. S’est-elle muée en négativité généralisée ou peut-elle se transformer en énergie créative, avec des champions prêts à se mobiliser pour faire mieux et autrement? On est souvent surpris par les personnes qui se retrouvent à assumer un rôle de leader, et on peut facilement sous-estimer la résistance des personnes menacées par le changement. De tels processus mènent inévitablement à une redistribution du pouvoir et des ressources. Bien que nous ne puissions prédire la façon dont la dynamique organisationnelle sera affectée, chercher à bien la comprendre nous aide à évaluer le degré et la provenance de la résistance à laquelle s’attendre.
La frustration interne n’est cependant parfois pas suffisante pour que le changement ait lieu. La pression exercée par des sources externes doit augmenter le coût du statu quo. Une organisation appréciée des donat.eur.rice.s qui n’est pas tenue responsable de son impact peut préférer une forte rotation du personnel plutôt que de remettre en question son approche. PeaceNexus peut tenir un miroir, donner voix aux doléances du personnel, mais les retours peuvent ne pas être pleinement entendus si leurs effets ne se font pas encore directement sentir . Dans ce cas, il est plus sage de se retirer. Les problèmes auxquels l’organisation est confrontée peuvent ne pas être «assez douloureux» pour lancer un authentique processus de changement, mais l’opportunité de le faire, une fois confrontée à leurs conséquences peut également être de courte durée. Si l’institution fait face à une crise existentielle, notamment financière, elle ne sera pas en mesure d’entamer une réflexion stratégique et de faire des efforts de réforme à moyen et long terme.
Enfin, le soutien de PeaceNexus a souvent révélé des pratiques dysfonctionnelles, mais aussi des désaccords fondamentaux sur le rôle et l’avenir de l’organisation. Si un consensus peut être retrouvé, nous avons appris que le fait de ne pas nommer ces différences profondes suffisamment tôt et de ne pas les traiter directement, y compris au niveau du conseil d’administration, peut limiter l’impact du processus.
Une grande partie du travail d’accompagnement de la fondation se résume à aider ses partenaires à mieux comprendre l’équation du changement et à l’utiliser comme un levier pour aller de l’avant. Par exemple, en reconnaissant la frustration du personnel et en l’utilisant comme un carburant, en admettant courageusement les différences de vision et en s’engageant à en développer une commune, en soutenant les réformes tout au long de leur mise en oeuvre en les présentant en étapes claires et gérables. Le processus de changement nécessite également d’effectuer des compte-rendus réguliers afin de reconnaître les progrès réalisés, ainsi que des efforts pour impliquer ceux qui s’y opposent. Après dix ans d’apprentissage, une bonne évaluation de la volonté de changement reste notre principal défi – et est également pertinente dans la conception de programmes de consolidation de la paix.
