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Réflexion personnelle

Qu’apprenons-nous des erreurs, de l’expérience de l’échec, des difficultés, des obstacles et des dérapages? Cette question est centrale pour la consolidation de la paix. Une réflexion honnête à ce sujet est nécessaire à l’innovation et à la poursuite du développement et importante afin de pouvoir adopter une approche transparente et réaliste des attentes dans les processus de paix. Cela permet de remettre en question de manière critique la compréhension néolibérale du contrôle et de la faisabilité.

La question peut être posée à différents niveaux : Elle est pertinente pour les processus de paix nationaux ou internationaux, qui malheureusement trop souvent n’apportent pas ou n’ont pas apporté le résultat souhaité. Le Guatemala, la Colombie, la Syrie et l’Afghanistan en sont des exemples. La question se pose lorsque les projets et les initiatives ne fonctionnent pas ou ont des effets (involontaires) négatifs. Enfin, elle est centrale pour les organisations, les collectifs et les individus qui parfois désespèrent ou s’effondrent face aux défis du travail pour la paix. Je voudrais illustrer ce dernier aspect avec un exemple personnel.

Il y a quelques années, j’ai signé un contrat pour l’évaluation d’un projet de paix à Kaboul, en Afghanistan. Mon grand attrait pour ce pays, ainsi qu’un fort intérêt pour ce projet et l’ambition d’élargir à la fois mon horizon géographique et mon expérience dans la consolidation de la paix internationale ont motivé cette décision. J’ai donc été très fière et heureuse de recevoir une réponse positive.

Lorsque j’ai dû planifier mon voyage de façon concrète, les questions suivantes se sont bousculées : quel hébergement est-il sûr ? Comment obtenir des informations fiables ? Devrions-nous louer une voiture pare-balles ou normale ? Qui dois-je contacter en cas d’urgence ? Comment réagir en cas d’enlèvement ? Qu’adviendrait-il de ma dépouille en cas de décès ? Je me suis rapidement rendu compte que ces questions me mettaient mal à l’aise. Je dormais de moins en moins bien, je faisais des cauchemars dans lesquels je me voyais catapultée en Afghanistan par une fusée. Ceux qui m’entouraient ont également réagi avec anxiété. “Tu veux vraiment te rendre dans cette zone à haut risque que tu ne connais même pas bien ?”. Mon état émotionnel se dégradait. Néanmoins, j’ai poursuivi les préparatifs, organisé le vol, l’hôtel et le visa. Dans la mesure où je m’étais engagée, mon projet devait aboutir. J’avais signé un contrat. Je voulais aller de l’avant dans ma carrière professionnelle. Il fallait que je le fasse.

Il a fallu plusieurs semaines et de nombreuses conversations avec mes proches, un expert en sécurité et un psychologue avant que je ne réalise que je pouvais – et devais – sortir de la fusée. Il s’agissait de ma vie et de ma santé. J’ai donc abandonné le projet, malgré mon contrat et mon ambition. Il m’a fallu du courage, mais le soulagement immédiat à l’idée de retrouver ma vie a confirmé sur le plan émotionnel l’une des leçons les plus importantes que j’ai apprises jusqu’à présent : prendre au sérieux mon ressenti, mes limites et les défendre.

Parfois, nous devons repousser nos limites afin de nous perfectionner. Mais pour grandir, il faut aussi admettre, tant à soi-même qu’à son entourage, quand on les a trop dépassées. Cela nécessite un environnement privé et institutionnel qui encourage la confiance en soi, nous permettant d’apprendre de nos erreurs ainsi que d’espaces sûrs pour l’autoréflexion et l’échange, grâce auxquels les gens sont entendus même lorsque les choses ne vont pas très bien. Il faut également comprendre la nécessité de prendre soin de soi, qui ne consiste pas à s’accorder une journée de bien-être pour se remettre de ses efforts, mais à trouver le courage de se défendre et de défendre les autres, malgré la pression liée aux attentes de performance, les obligations et les ambitions.

Ce type d’encouragement au retour sur ses erreurs et cette compréhension de l’auto-prise en charge devraient trouver place au sein de la plateforme KOFF dans le cadre de l’accent stratégique “réseau interne”. Nous visons ainsi à considérer la question des erreurs et les échecs comme une occasion d’apprendre, de grandir et de se perfectionner ; en tant que personnes, organisations, réseaux et en tant que mouvements qui œuvrent pour le changement social avec entrain, courage et joie.