La pandémie de COVID-19 a ébranlé un principe fondamental de la consolidation de la paix: celui de réunir les gens physiquement.
Une étude récente menée par International Alert évalue l’impact global de la restriction des contacts entre les groupes sur la consolidation de la paix, en favorisant l’analyse des principes sous-jacents à cette pratique.
Les résultats démontrent dans quelle mesure la confiance et la création d’espaces sûrs sont intrinsèquement perturbées par une transition vers le virtuel, qui expose davantage aux risques les sujets et les informations sensibles. La dématérialisation du dialogue et de la médiation en faveur de la paix constitue un exemple de l’inadéquation de l’action en ligne. D’ordinaire, la promotion de la paix est un processus qui repose sur la construction de relations de confiance à long terme à travers un engagement face à face, et les progrès réalisés jusqu’alors risquent de se dégrader si les espaces requis ne sont pas renforcés – parallèlement aux espaces numériques.
Il est essentiel d’identifier les acteurs qui disposent d’un accès au monde numérique et ceux qui en sont privés. Pour certains groupes, tels que les jeunes, la transition vers le virtuel a multiplié les possibilités d’engagement et constitue une opportunité d’œuvrer au cœur de l’action, afin de façonner des sociétés futures résilientes. Cependant, pour d’autres, les dynamiques de pouvoir existantes ont simplement migré vers le monde dématérialisé, avec celles et ceux qui disposent d’une connexion et ainsi d’une nouvelle forme de pouvoir. Les individus qui bénéficient d’un meilleur accès aux ressources et d’une connexion sont mieux placés pour accéder aux plateformes de prise de décision. Les consultations numériques ne discernent pas les différences entre les sexes et, à ce jour, ont peu cherché à comprendre l’impact d’une transition vers le virtuel sur les hommes et les femmes. L’accès (ou l’absence d’accès) à une connexion internet risque d’exacerber les conflits et de créer inégalités et injustices.
Le changement de pratique a néanmoins pour conséquence positive de finalement permettre la réalisation du programme de localisation. Les artisans de la paix qui vivent dans des zones de conflit n’ont pas eu le luxe d’interrompre leur travail. Dans de nombreux endroits du monde, les efforts déployés pour œuvrer en faveur de la paix n’ont jamais cessé. Le principal changement réside dans l’immobilisation du personnel basé dans l’hémisphère Nord, qui a renforcé l’élan initié pour ancrer la promotion de la paix à l’échelle locale, notamment le transfert de responsabilité au personnel local pour la mise en œuvre des projets ou la délégation à de nouveaux partenaires pour assurer la continuité des services fournis aux communautés. Cela libère de l’espace pour analyser ce qui doit être mis en œuvre pour privilégier l’expertise locale. Cette tâche n’est cependant pas dénuée de complexité et il convient d’examiner en priorité les considérations telles que le transfert du risque aux organisations locales et l’évaluation de la propension des donateurs et donatrices à maintenir leur soutien.
Le secteur s’est rapidement adapté à COVID-19 et a continué à plaider pour la consolidation de la paix parmi les priorités concurrentes de la pandémie. Cependant, ses membres doivent travailler ensemble pour relever ces défis, plaider pour les moyens les plus équitables d’avancer et s’assurer que les efforts d’adaptation ne contribuent pas par inadvertance au conflit et à la fragilité mais servent amplement la consolidation de la paix.
