Peinture murale à Adis Abeba (2020). Photo: Andrea Grossenbacher
Chale Gobbett chale_cycad@outlook.com

Au cours des deux dernières années, l’Éthiopie a connu un grave conflit interethnique qui a été favorisé par les facteurs suivants: un gouvernement central affaibli, d’anciennes rivalités ethniques ravivées par les élites politiques, la diffusion, via les médias sociaux, de nombreux discours haineux envers différents groupes, un taux de chômage élevé chez les jeunes ainsi qu’une hausse importante et généralisée de la criminalité. Au cours des deux dernières années, l’Éthiopie a donc été le pays qui compte le plus de déplacés internes. Malgré les efforts notables déployés pour réintégrer ces personnes, et, plus largement, pour résoudre le problème, les tensions entre les différents groupes restent vives.

Dans de nombreuses régions, l’instabilité a généré une situation anarchique. Confrontées à l’impuissance de l’autorité centrale, à l’absence de lois et aux violences interethniques, beaucoup de régions se sont dotées de milices (ethniques). Encouragées par le commerce florissant des armes, certaines ont même créé leur propre armée régionale ou des «forces spéciales». Les puissantes régions d’Oromia ou d’Amhara disposent par exemple d’armées permanentes d’au moins 50 000 soldats. Au sein des États régionaux, plusieurs zones sont extrêmement instables. C’est le cas de la région d’Amhara depuis qu’une tentative de coup d’État a causé la mort du président de l’État régional et de deux autres hauts responsables en août 2019. La Région des Nations, Nationalités et Peuples du Sud (RNNPS) ainsi que la partie méridionale de la région d’Oromia ont été particulièrement touchées par les conflits interethniques et les déplacements internes et elles sont devenues des foyers d’instabilité. À partir de mi-janvier, des réseaux de télécommunication ont été entièrement coupés dans la partie occidentale de la région d’Oromia, suite à la multiplication des opinions anti-gouvernementales et des soutiens aux groupes d’opposition radicaux.

Cette situation a conduit certaines organisations telles que Human Rights Watch à accuser le gouvernement éthiopien de recourir à des méthodes autoritaires pour museler certains partis d’opposition et autres dissidents. Des pratiques telles que la coupure des réseaux téléphoniques ou Internet, les menaces, la violence et la torture, qui ont été utilisées contre les dissidents dans de nombreux cas de troubles sociaux, ont été signalées.

Étant donné les circonstances, de nombreux commentateurs redoutent que les prochaines élections ne soient pas réellement libres. Cependant, le régime actuel a, dans l’ensemble, fait plus d’efforts que les précédents pour ouvrir la voie à des élections crédibles. Plus de 150 partis politiques enregistrés y participent. Quels que soient les résultats, il y aura des gagnants et des perdants, et tous les partis ne pouvant être satisfaits, on peut s’attendre à des troubles sociaux. Si le gouvernement choisit de réprimer la dissidence et de violer d’autres droits humains, s’il ne cherche pas à restaurer une certaine forme de sécurité dans le pays et s’il échoue à garantir des élections aussi libres et équitables que possible, les chances de voir revenir la paix en Éthiopie dans un avenir proche sont presque nulles.

Chale Gobbett chale_cycad@outlook.com