Le vol de bétail est devenu une activité lucrative dans les régions arides et semi-arides du Kenya. Parmi les affrontements ethniques, le brigandage, l’empiétement sur les terres privées et les contestations politiques portant sur les lignes de fracture ethniques, le vol de bétail est un symptôme de la pression de plus en plus forte qui pèse sur l’accès aux ressources naturelles. Ces derniers mois, le nombre d’actes de violence commis dans le comté de Baringo, au Kenya, a augmenté. Dans cette région au climat chaud et sec toute l’année, les précipitations sont irrégulières. La disponibilité et l’accès à l’eau sont donc un problème permanent, surtout dans les zones de basse altitude pendant la saison sèche.
Le Catholic Diocese de Nyahururu est l’une des rares organisations qui œuvrent à Mochongoi, une localité de la région. Le diocèse a analysé les conflits avec plusieurs représentants de la société, les ancien·ne·s, les groupes de femmes, des agent·e·s du secteur de la sécurité, les administrations du comté et les chefs religieux, qui ont confirmé ce que l’on savait déjà sur les raisons du conflit. En outre, ils ont évoqué l’afflux illégal d’armes en provenance de la frontière nord du pays. L’usage de celles-ci a transformé la fonction traditionnelle, établie de longue date, des razzias sur le bétail. Ce qui était un moyen de redistribuer les richesses au sein des sociétés pastorales est devenu une activité quasi commerciale, exacerbée par les influences politiques et la corruption. Le manque d’infrastructures et la topographie difficile du terrain du côté du comté de West Pokot empêchent souvent la police de traquer les voleurs·euses armé·e·s et de récupérer les bêtes. Les forces de sécurité manquent de moyens de communication appropriés avec le public. Mal équipées, elles deviennent souvent elles-mêmes des cibles.
Le Catholic Diocese de Nyahururu s’efforce de briser le cycle de la violence. L’équipe de Caritas renforce les capacités des comités de paix locaux en les entraînant à analyser les conflits et en leur donnant des clés pour les résoudre. Les comités de paix rassemblent des communautés d’éleveurs·euses et de cultivateurs·rices, qui ont un rôle a jouer pour assurer la stabilité de ces régions. Les membres du comité de paix apprennent ainsi à identifier les cas dans lesquels ils peuvent servir de médiateurs. Ils peuvent aussi travailler en étroite collaboration avec d’autres acteurs·ices cruciaux·ales comme la police ou les ancien·ne·s, qui jouent un rôle essentiel dans les mécanismes traditionnels de résolution des conflits. Les vols de bétail font partie des conflits que les comités de paix tentent de résoudre par eux-mêmes. Les bêtes sont souvent transportées sur de longues distances. Les comités de paix contactent leurs homologues d’autres juridictions pour retrouver le bétail dérobé et, dans le meilleur des cas, le récupérer dans le cadre d’un accord négocié entre les chefs des deux communautés concernées. Grâce aux nombreuses activités de renforcement de la confiance qu’ils entreprennent, c’est possible. En 2020, 8 cas de vol sur un total de 600 têtes de bétail ont été signalés aux comités de paix. Tout le bétail a pu être récupéré.
La pandémie de coronavirus continue de limiter les possibilités de réunion des comités, tandis que les effets grandissants du changement climatique augmentent la probabilité d’apparition de conflits liés aux ressources. Enfin, les élections générales à venir (présidence et parlement) renforcent la probabilité que les politiciens·ennes instrumentalisent les rivalités ethniques à leur profit. Dans ce contexte, l’importance des comités de paix ancrés très localement, mais intégrés dans un réseau plus large d’acteurs·rices de la paix, devient évidente.
