Le restaurant communautaire Calabash fait partie du projet Orwa de Cuisine sans frontières au Kenya. Caspar Hedberg

Il y a dix ans, des membres de Cuisine sans frontières (Csf) se sont rendu·e·s dans les vastes plaines de la vallée du Rift, à la frontière entre les comtés de West Pokot et de Turkana, au Kenya.

Les berger·e·s -guerrier·e·s vivant à cet endroit étaient en conflit pour l’accès aux points d’eau et se volaient mutuellement leur bétail. Cela a donné naissance à des groupes armés, instrumentalisés par les seigneurs de guerre locaux, qui attaquaient les convois et s’enrichissaient grâce à la contrebande d’armes et de munitions.

Dans ce climat instable, un projet baptisé Cabesi (Camels, Bees, Silk) a vu le jour dans le Pokot et le Turkanaland. La construction d’un centre chamelier était alors prévue près du petit village d’Orwa. L’idée de convertir les Pokot à l’élevage de chameaux avait pour but d’offrir une solution à la pénurie d’eau causée par le changement climatique. Comme les Turkana étaient déjà habitué·e·s à gérer les chameaux, l’objectif du centre était de contribuer au transfert de connaissances et à la réconciliation entre les deux communautés.

Csf avait pour mission de soutenir ce centre chamelier avec la mise en place d’un hébergement et d’un restaurant, en mettant à disposition les moyens nécessaires à la construction et en envoyant des volontaires à Orwa. Ainsi est né le restaurant Calabash, avec une cuisine, des garde-manger, des chambres d’hôtes, quelques modestes cases pour la nuit et un grand espace extérieur. Au préalable, Csf avait rencontré les chefs des villages environnants et contacté les responsables des groupes armés. Lors de négociations, le personnel avait présenté dans le détail le concept de restaurant, de séminaire et de chamelier, qui avait été très bien accueilli.

L’ouverture du centre Calabash a été un événement local majeur, réunissant plus de 1000 personnes. Des chèvres ont été abattues, des ugali et des sukuma wiki ont été cuisinés et des lanternes ont été suspendues. On a invité des représentant·e·s de toutes les communautés, en leur demandant venir non armé. Les invités ont joué le jeu et l’inauguration s’est déroulée dans le calme.

Depuis lors, les équipes de Csf se sont rendues sur place à maintes reprises. L’équipe locale est à la hauteur de la tâche, mais elle est protégée par la présence de Csf contre les attaques d’un côté ou de l’autre. Aujourd’hui, le restaurant Calabash est une oasis de paix où se retrouvent les habitant·e·s de la région. Aucun incident violent n’a eu lieu ces dix dernières années. On y organise des concours de beauté, des pièces de théâtre, des rencontres sportives et des soirées cinéma, et on y regarde régulièrement le football. De temps en temps, on y accueille même des touristes pour la nuit. Les conflits ont considérablement diminué et le projet est en passe de devenir autosuffisant. Travailler pour la paix recquiert un travail et une attention toute particulière sur la communauté et cela peut passer par la gastronomie.