Le nouveau président de la Somalie, Farmajo, a de nombreux défis à relever. AMISOM Photo, Ilyas Ahmed / Creative Commons

Entretien avec Dominik Balthasar, docteur et chercheur à swisspeace au sein du programme Statehood.

swisspeace : les élections présidentielles somaliennes devaient se tenir en août 2016. Pourquoi ont-elles été repoussées à février 2017 ?

Au départ, l’élection devait se tenir à l’échelle nationale selon le principe « une personne, une voix ». Mais en grande partie à cause des préoccupations actuelles en matière de sécurité, le mode de scrutin a été modifié. Un processus d’élection indirecte a donc été mis en place, dans lequel 135 « autorités traditionnelles » ont sélectionné des délégués qui ont eux-mêmes élu les membres du parlement à l’automne 2016. Le 8 février, ceux-ci ont à leur tour élu président de la Somalie l’ancien Premier ministre Mohamed Abdullahi Mohamed « Farmajo ».

Ce processus en plusieurs étapes avait également pour but de couper court à la large corruption qui avait pesé sur l’élection présidentielle de 2012. Cela a-t-il fonctionné ?

Malheureusement non. En fait, au vu des 20 millions de dollars américains échangés fiévreusement au cours de ces élections, plusieurs analystes et enquêteurs et certains diplomates occidentaux parlent de ces élections présidentielles comme de l’événement politique le plus frauduleux de toute l’histoire de la Somalie.

Qui est Farmajo, le nouveau président somalien ?

Farmajo est entré sur la scène publique en Somalie en novembre 2010, lorsqu’il a été nommé Premier ministre par le président de l’époque, Sharif Sheikh Ahmed. Il a alors mis en place de nombreuses politiques bien accueillies qui lui ont conféré confiance et respect, tant au niveau national qu’international. Il a réduit le nombre de membres du gouvernement de l’époque, le faisant passer de 31 à seulement 18, a lutté contre la corruption et s’est assuré que les salaires des fonctionnaires étaient payés en temps et en heure, ce qui était très important pour un dispositif de sécurité qui avait fait face à une résistance militaire sévère et à des incitations financières de la part de l’organisation militante islamiste Al-Shabaab.

Que peut-on attendre de sa présidence ?

Si beaucoup d’espoir et d’optimisme ont accompagné l’élection de Farmajo, ce dernier a de nombreux défis à relever. En plus de rétablir la sécurité, l’unité nationale et une économie productive, il devra remettre sur les rails un processus politique avorté de fédéralisation et de démocratisation et améliorer les relations du pays avec ses voisins. Mais compte tenu des ressources limitées du pays et d’un projet en cours de construction de l’État qui est source de conflits, il reste à voir s’il sera capable de répondre aux fortes attentes de la population.