Ces dix dernières années, la Libye a connu plusieurs conflits politiques et économiques. Le pays subit une grave crise de leadership, dont il résulte une importante rupture entre les citoyen·ne·s et les autorités de l’État. Nombre d’acteurs et actrices polarisé·e·s dominent la scène politique, accentuant les griefs d’ordre économique et social. Qui plus est, différentes entités poursuivent des objectifs intéressés et restreints, ce qui a causé une fragmentation de la communauté internationale.

En Libye depuis 2011 et, plus récemment, au Yémen, Interpeace concentre ses efforts de consolidation de la paix sur le terrain. L’une de nos approches de consolidation de la paix (“track 6”) vise à combler le fossé entre les communautés locales, la société civile, les gouvernements et la communauté internationale. Cette approche contribue à ce que les politiques menées correspondent aux réalités locales, et s’enrichissent de la connaissance de terrain. Elle est néanmoins largement mise à mal à de nombreux endroits de la région MENA, en conséquence d’une profonde fragmentation politique et sociale. En l’absence de processus politiques reconnus, la consolidation de la paix sur le terrain porte ses fruits au niveau local, mais ne peut exercer d’impact plus grand à l’échelle d’une région ou d’un pays. En Libye, nos interventions de consolidation de la paix ont instauré localement la confiance et mis en évidence des solutions à des problèmes locaux, sans toutefois que cet effet gagne le processus de décision de haut niveau (“track 1”).

Au cours des onze années d’action en Libye, Interpeace a assisté aux différentes phases de conflit régional et local, et a donc adapté sa planification à ce contexte. Par le projet de “cartographie de la paix”, l’organisme a cherché à expliquer pourquoi certaines communautés demeuraient pacifiques malgré un environnement instable. Ce projet a constitué la base des travaux de suivi réalisés par Interpeace, qui ont visé à renforcer par le dialogue la capacité de résilience au niveau local, et à établir progressivement des îlots de stabilité partout dans le pays. Ce programme a mis en place et accompagné un réseau d’agent·e·s de changement constitué de Libyen·ne·s de tous âges, genre et statuts sociaux, parties intégrantes de leur communauté et jouant un rôle central dans celles-ci. Ces agent·e·s ont bénéficié d’une formation à la médiation, à la facilitation de dialogue, ainsi qu’à l’analyse et à la transformation de conflit.

Les agent·e·s de changement apportent une amélioration par leur réponse aux problèmes de la communauté, de la collecte de déchets au traitement du traumatisme de guerre ; pourtant, ces personnes ne sont pas en mesure d’aborder des enjeux politiques au niveau national. Par conséquent, même si nos interventions de consolidation de la paix ont permis la création d’îlots de stabilité partout dans le pays, l’instabilité économique et politique restreint notre capacité à étendre, via le réseau de ces agent·e·s, cette stabilité locale à la sphère nationale.

Renée Larivière, directrice principale de la gestion des programmes chez Interpeace, explique la réflexion derrière notre approche de consolidation de la paix pour pallier à la difficulté de combler le fossé en Libye : “Dans ce contexte, nos efforts ont visé à donner aux communautés les moyens de construire la paix, car c’est un élément essentiel pour permettre aux communautés de gérer leurs divisions et conflits de manière juste, non-violente, et inclusive. En Libye, et désormais aussi par notre programme au Yémen, Interpeace poursuit son travail auprès des agent·e·s de changement sur le terrain, afin d’apporter une amélioration dans leurs communautés mais également de promouvoir l’action au rang d’engagement civique plus structuré.”