N° 163
Novembre 2019
Civils se mettant à l’abri d’une attaque aérienne imminente le jour de Noël. Photo: Hkun Li

Le Myanmar connaît des difficultés à créer un sentiment collectif d’identité nationale au sein d’une population composée de plus d’une centaine de groupes ethniques. Cependant, le plus grand défi repose sur le fait que les minorités ethniques et religieuses en particulier n’ont pas le sentiment d’appartenir à la nation. Leur identité ethnique ou religieuse l’emporte souvent sur leur identité en tant que citoyens du Myanmar. Comment l’expliquer?

Pour commencer, le nom «Myanmar» en lui-même est sujet à controverse. De nombreuses minorités ethniques pensent que Myanmar est un autre terme pour désigner la Birmanie (Burma) dont la racine du nom provient du groupe ethnique majoritaire birman, les Bamar. De nombreux Birmans issus du système gouvernemental ne considèrent pas appartenir à l’un des nombreux groupes ethniques. Ils se voient plutôt comme les «propriétaires» ou «hôtes» du pays, et considèrent le reste de la population comme des «migrants ou invités». Les précédentes politiques de «birmanisation» de la dictature militaire ont divisé les groupes majoritaires et minoritaires pendant plusieurs décennies. En raison de la tactique de la junte consistant à diviser pour mieux régner et du manque d’éducation de qualité, de nombreux civils birmans sont déconnectés et ne sont pas conscients des difficultés des minorités. Sur les quatorze régions du Myanmar, sept sont nommées d’après des groupes ethniques ce qui ajoute des complications supplémentaires parmi les populations plus petites à l’intérieur de différents groupes ethniques vivant dans les mêmes zones et faisant face aux mêmes problématiques de «propriétaires» et «migrants ou invités».

La Constitution dispose que tous les citoyens doivent être traités sur un pied d’égalité et qu’ils jouissent de la liberté de religion ou de croyance. Dans la pratique, les minorités ethniques et religieuses ont beaucoup de difficultés à trouver un emploi dans l’administration. Leur liberté à exercer leur religion est également très limitée à travers le pays. D’après un analyste politique, l’oppression systématique des minorités ethniques et religieuses a engendré des conflits armés entre les groupes Shan, Kachin, Karen et Kayah et contribué à la croissance des identités ethniques Wa et Rohingya au cours des dernières décennies.

L’une des nombreuses raisons de l’échec du processus de paix mené par le gouvernement civil est que les représentants des minorités ethniques n’avaient pas l’impression d’être considérés comme égaux ni d’être traités avec respect par les leaders birmans. Le processus de paix a ravivé les souvenirs amers de la trahison des Birmans qui avaient violé l’accord de Panglong de 1947.

Afin de restaurer la confiance brisée, le gouvernement civil doit encore améliorer la façon dont il travaille avec les différents groupes ethniques et religieux. Ce dernier doit s’assurer que les minorités sont écoutées et respectées pendant les rencontres et négociations dans le cadre du processus de paix. L’un des moyens pour y arriver serait que le gouvernement cesse de nourrir les sentiments du «nous» contre «eux» lorsqu’il interagit avec les minorités ethniques et religieuses.

À moins que le gouvernement civil n’élabore des politiques qui permettraient une réconciliation durable entre les Birmans et les minorités et qui respecteraient leurs valeurs démocratiques, les difficultés que le Myanmar rencontre aujourd’hui pourraient encore accentuer les divisions au sein de la nation à l’avenir.