N° 163
Novembre 2019
Personnes traversant un pont dans une communauté rurale du Myanmar. Image: The Asia Foundation
The Asia Foundation Tabea Campbell Pauli tabea.pauli@asiafoundation.org

Dans certaines régions du Myanmar, la violence fait rage depuis plus de 70 ans. La lutte armée contre le gouvernement centralisé née à la suite de l’indépendance du régime colonial s’est transformée en un ensemble complexe de conflits entre les groupes ethniques minoritaires et l’armée du Myanmar. La population du pays compte de nombreux groupes ethniques, religieux et linguistiques. Dès lors, la diversité est au coeur de la question de la paix au Myanmar. Il s’agit donc de définir les contours d’un modèle de gouvernance et d’un système politique qui seraient représentatifs de la population et soutenus par celle-ci.

Depuis 2011, les gouvernements successifs désireux de mettre fin au conflit ont mobilisé leur énergie en faveur d’un processus de paix négocié qui a débouché, en octobre 2015, sur la signature d’un Accord de cessez-le-feu national (NCA) entre les groupes armés ethniques et le gouvernement. Quatre ans plus tard, de nombreux acteurs de la paix au Myanmar s’attèlent à l’analyse des conséquences et se posent la question des prochaines étapes.

Sur le terrain, les avantages du cessez-le-feu sont visibles: la sécurité a augmenté, certaines régions connaissent une croissance économique et les organes non gouvernementaux, tels que l’ethno-éducation et les services de santé, jouissent d’une reconnaissance politique. Signé par moins de la moitié des 22 groupes ethniques armés du Myanmar, l’accord n’est pas de nature à favoriser l’union de la population. Au contraire, il a creusé les divisions, mené à l’intensification des affrontements entre les groupes armés et les militaires et échoué à limiter les activités économiques nuisibles et souvent illicites. Soulignées par les plus hauts niveaux d’affrontements de ces dernières décennies, ces dynamiques, qu’un accord de paix déséquilibré n’a pas permis d’enrayer, devraient perdurer.

Dans ce contexte, il est difficile de trouver une façon productive de faire avancer la promotion d’une paix incluant l’ensemble de la population. En effet, les relations entre les différents acteurs sont instables, les réactions aux forces géopolitiques régionales sont violentes et le paysage de la politique des donateurs ne cesse de changer. Afin de relever ce défi, un nouveau projet baptisé Smart Peace a été lancé. Financée par le gouvernement du Royaume-Uni, Smart Peace est une initiative internationale qui rassemble l’expertise des membres du consortium formé par The Asia Foundation, le Centre pour le dialogue humanitaire, l’International Crisis Group, l’ETH de Zurich, Behavioural Insights Team et Chatham House et mené par Conciliation Resources. L’objectif de Smart Peace est de relever les défis de la construction de la paix au Myanmar, en République centrafricaine et au Nigeria.

Le projet mêle techniques de promotion de la paix, analyse de conflit, évaluation rigoureuse et données comportementales afin d’apporter un changement positif aux zones touchées par des conflits. Au Myanmar, l’objectif est d’assurer les conditions nécessaires et d’encourager la mise en place de réformes qui rendront les processus de paix actuels et futurs plus efficaces. Cette approche double favorisera la promotion de la paix, la transition en matière de sécurité ainsi que des activités de réforme de la gouvernance et s’appuiera sur des travaux analytiques circonstanciés et continus sur le contexte du pays ainsi que sur les acteurs du soutien de la paix. Afin d’encourager le débat et de trouver un terrain d’entente au-delà des lignes de conflit sur des problèmes concrets et techniques, une ambitieuse série d’événements visant à promouvoir le dialogue sera lancée. Un système itératif d’analyse, de mise en œuvre, d’apprentissage et d’adaptation résultera en une abondante littérature et permettra aux acteurs de la promotion de la paix au Myanmar et dans le monde de tirer des leçons des expériences vécues.

Au Myanmar, les progrès en matière de construction de la paix sont freinés par un processus de paix qui délaisse une partie de la population, par une augmentation des conflits sur le terrain, dont certains sont imbriqués les uns dans les autres, et par le peu de crédit accordé par une partie des représentants à un processus de négociation complet. En réponse, la communauté internationale aurait tout intérêt à envisager différentes façons d’élargir le dialogue, à promouvoir des réformes des systèmes civils et militaires existants et à exploiter le souhait général d’œuvrer à une promotion de la paix qui ait du sens et qui inclue l’ensemble de la population. Ce faisant, et en démontrant une solide volonté de garder le cap, les bâtisseurs de la paix permettront à la diversité de prendre le dessus sur les divisions.

The Asia Foundation Tabea Campbell Pauli tabea.pauli@asiafoundation.org