Les passagers d'un minibus consultent les réseaux sociaux sur leur smartphone aux Philippines. Danilo Pinzon Jr./Alamy
International Alert Charlotte Onslow Directrice de l'unité consultative pour la consolidation de la paix

Au temps de la distanciation physique, il a fallu se replier sur Internet. Pour beaucoup, la pandémie a eu pour conséquence le développement de la vie virtuelle au détriment des relations dans la “vie réelle”.  La sociabilisation, le partage d’informations et les rencontres se font en ligne. D’après Facebook, l’utilisation des réseaux sociaux a explosé.

Organisation mondiale majeure de promotion de la paix, opérant dans plus de 25 pays, International Alert est de plus en plus consciente de sa responsabilité dans la compréhension du rôle et de l’impact des médias sociaux là où elle est active. L’ONG tente également d’évaluer comment les technologies numériques façonnent les dynamiques de paix et de conflit dans le monde.

Avant la pandémie, nous avons demandé aux participants de notre 2018 Peace Perceptions Poll ou “enquête de perception de 2018” ce qui leur permettait d’avoir plus de poids politique. Les réseaux sociaux et les technologies arrivaient toujours en tête de liste. Ce constat est étonnant quand on le met en parallèle avec le discours selon lequel les réseaux sociaux sapent les systèmes politiques en raison de la désinformation et les discours haineux qui en découlent, ainsi qu’en favorisant la polarisation. Le récent documentaire Derrière nos écrans de fumée illustre parfaitement ce point de vue.

Dans un nouvel article intitulé Realizing the potential of social media as a tool for building peace ou “Prendre conscience du potentiel des réseaux sociaux comme outils de promotion de la paix, nous explorons la viabilité et les limites de l’utilisation des réseaux sociaux dans la promotion de la paix en étudiant leur utilisation actuelle dans les actions de transformation des conflits. Nous nous appuyons sur les perspectives de promoteurs de la paix travaillant au Liban, au Nigeria et aux Philippines. Si les limites des réseaux sociaux sont évidentes, en partie en raison de leur rôle significatif dans la formation et l’alimentation des conflits, ils contribuent selon nous à la consolidation de la paix de trois manières:

  1. Les réseaux sociaux peuvent offrir des perspectives vitales sur les contextes de conflit et éclairer la conception des interventions. Ils constituent une source essentielle de données pour la cartographie des acteurs et celles des discussions autour des questions de conflit.

Les artisans de la paix recueillent des données sur la dynamique et les tendances des conflits. Par exemple, au Nigeria, les professionnels utilisent les réseaux pour cartographier les acteurs et suivre des thèmes de discussion liés à des hashtags spécifiques. Au Liban, les promoteurs de la paix font des recherches sur les récits concernant les tensions entre les communautés hôtes et les réfugiés, tout en explorant l’impact des médias sociaux sur les conflits intercommunautaires.

  1. Les réseaux sociaux peuvent contribuer à amplifier les voix pacifiques tout en façonnant le discours public et politique, notamment en contrant les fausses nouvelles (fake news) et les menaces.

Afin de lutter contre les discours haineux, PeaceTech Lab travaille en étroite collaboration avec des promoteurs de la paix et des experts locaux en technologie pour identifier et observer le lexique relatif à la haine sur les réseaux sociaux. Ils décomposent les propos provocateurs tout en proposant des phrases et mots alternatifs qui peuvent être utilisés pour combattre les discours de haine.

  1. Les réseaux sociaux peuvent être utilisés pour créer de nouveaux espaces permettant aux gens d’entrer en contact, de se coordonner et de se mobiliser autour de la paix. Ils peuvent être un outil permettant de renforcer le dialogue traditionnel.

Dans notre programme aux Philippines, les artisans de la paix utilisent des groupes sur Facebook pour mettre en contact et réunir de manière informelle les personnes qui partagent une expérience commune en rapport avec les conflits. Ces groupes de dialogue viennent compléter la formation hors ligne. Dans la mesure où le dialogue mené uniquement en ligne n’est pas 100% efficace, le programme utilise également les réseaux sociaux comme point d’entrée afin de recruter des personnes qui pourraient potentiellement participer à des activités en présentiel.

En réalité, l’utilisation des sociaux reste marginale dans les programmes de promotion de la paix. Nous devons étudier plus en profondeur leur rôle dans l’alimentation des conflits et envisager de manière plus proactive leur potentiel pour la conolidation de la paix.

International Alert Charlotte Onslow Directrice de l'unité consultative pour la consolidation de la paix